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« Ella se casa » : un pasodoble au clari

Un pasodoble au clari de Bigorre ? Si, c’est possible. Après tout il ne s’agit que de passer la crête des Pyrénées pour cette musique ibérique, très tôt francisée dans le Sud-Ouest.

Si le pasodoble a eu peut-être pour naissance lointaine, au XVIIIe s., l’entrée martiale des toreros dans l’arène, et s’il est toujours une musique liée à la corrida, il est néanmoins devenu rapidement une danse de salon. Hors ce contexte, il reste une musique populaire festive sur son rythme binaire d’origine.

« Ella se casa », Elle se marie, au clari. (Histoire d’une femme qui quitte son mari et il est malheureux.) 2 voix.


1ère voix :


2e voix :



Bonne tablée et joyeuse humeur pour fêter la sortie de confinement en musique en octobre 2020. Ici avec une sympathique bande de bouilleurs de sons et trois clari pour faire bonne mesure.


 

Eth aboès : présentation du hautbois du Couserans

Alphonse Sentein, instituteur, fondateur en 1921 de l’association « groupe folklorique biroussan ».

Un des symboles de la culture musicale traditionnelle ariégeoise est l’aboès du Couserans, un hautbois provenant du castillonnais.

Hautbois du Couserans fabriqué par Pierre Rouch

L’instrument plonge ses origines lointaines au moyen-âge à l’époque des chalémies et bombardes (voir les illustrations). Cependant, s’il a disparu en l’état du sol national au fil du temps,  il a pu résister dans les vallées de ce pays de montagne. Le hautbois « moderne » quant à lui est issu d’une évolution du hautbois traditionnel à partir du XVIIe s.

En trois parties, le haut permettant de fixer l’anche double, avec 6 perces devant et un trou d’octave à l’arrière, le hautbois est originellement en tonalité de Do#. Le hautbois « moderne » en Ré comporte une clef qui permet d’accéder à ce Do# – sous-tonique.

Pigalha

François Souque dit Pigalha. (1873-1936), célèbre joueur de hautbois.

Sur ce hautbois (photo de gauche) fabriqué par Pierre Rouch d’après un modèle de Pigalha, la perce de cette note est non clétée comme sur les vieux hautbois traditionnels retrouvés. En effet les joueurs avaient perdu et l’usage de cette clef et la technique pour la réaliser. Pour autant elle se trouve bien dans le hautbois baroque.

 

 

 

 

 


Hautbois Renaissance (chalémie), hautbois baroque, hautbois classique début XIXe siècle, hautbois viennois début XXe siècle, hautbois viennois fin XXe siècle et hautbois moderne

Hautbois Renaissance (chalémie), hautbois baroque (avec sa clef), hautbois classique début XIXe siècle, hautbois viennois début XXe siècle, hautbois viennois fin XXe siècle et hautbois moderne.

Un joueur du XVIIe s.

Un joueur du XVIIe s.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


D’autres tonalités sont possibles comme l’explique Pierre Rouch. Notamment un aboès en Do du type de la « Tarota » catalane mais sans clefs. (voir la vidéo au bas de cet article).

L’aboès s’invite à toutes les fêtes folkloriques de ce territoire ariégeois et s’exporte bien au-delà.
Au début du XXe s., comme Pigalha, Eth Clitcho, du même groupe « Les Bethmalais », en était un joueur très connu. Nous étudions les Trois Traversées du Couserans qu’il jouait notamment.
Le groupe Les Biroussans à St-Girons en poursuit la tradition.

Comme le clarin, Pierre Rouch  fabrique aussi cet instrument et l’enseigne à l’école de musique de St-Girons et au conservatoire de musique Guy-Laffite de St-Gaudens.

Cliquez sur les images pour les afficher en grand.

Aire de jeu de l'aboès.

Aire de jeu de l’aboès. Carte tirée du dépliant CD 09. cf. wixsite des biroussans.

 

Perrone joue Nice pour Vigo

Marc Perrone est un musicien hors pair mais aussi un homme de cinéma. Il a mis en musique un grand nombre de films, y compris des films muets, en leur donnant vie par la voix de son diatonique Castagniari à 4 rangs. Et notamment il accompagne les images de A propos de Nice de Vigo.

Du mouvement des images sur l’écran à l’œil, au mouvement des doigts sur l’accordéon, s’expriment les sensations que j’éprouve… J’emprunte des voies hasardeuses pour tenter de donner une voix à tous ces personnages, à toutes ces images, obstinément silencieux mais qui en disent long sur l’histoire, les sentiments humains, les états d’âmes… La Vie ! (cf. site de Marc Perrone)

En 2001 Marc Perrone découvre le court métrage de Jean Vigo: A propos de Nice, sorti en 1930, que la fille du cinéaste lui  demande alors de mettre en musique.

Dans ce film, qui est un cinéma tout de poésie, sans modèle, une œuvre spontanée, vivante, anticonformiste, et en même temps un cinéma expérimental, réalisé avec le chef-opérateur Boris Kaufmann (frère de Dziga Vertov), Vigo dénonce la décrépitude d’un monde dérisoire et ses inégalités sociales, par une description cocasse savamment distillée et quelques outrances en opposant plan par plan, bourgeoisie et monde ouvrier, opulence et misère. (cf. Leblogdocumentaire).
Perrone, compagnon de route des Lubat et Minvielle, se passionne naturellement pour Vigo. Il composera une « Vigo valse » et  reprendra également des compositions de Maurice Jaubert. Son accordéon résonnera alors au rythme des plans amusants ou graves, java guillerette, bal musette, valse lente, ou partition plus moderne aux dissonances saisissantes.

A travers une multitude de petits plans anecdotiques, souvent drôles, quelquefois sarcastiques, Jean Vigo donne son point de vue entomologique sur une ville ou s’opposent pauvreté et richesse a travers la symbolique parade du fameux Carnaval …. D’une fraîcheur indéniable, pétulant, virulent, varie a l’extrême, ce moyen-métrage montre tout le talent de Jean Vigo dans une somptueuse analyse globale d’un état de fait ou la dramaturgie humaine se conjugue en contrepoint d’une cite vouée a l’artificiel et au paraître…

La composition de Marc Perrone se retrouve dans le CD « Son éphémère passion ». A noter que c’est le musicien lui-même qui a poussé les frères Castagnari à relancer la production d’accordéons de leur célèbre facture d’instruments.

Court métrage A propos de Nice, Jean Vigo & Boris Kaufmann. 1930. Muet Noir & Blanc. Mise en musique : Marc Perrone, 2001. (22 min 52 sec.)

https://ladigitale.dev/digiplay/#/v/60a1318f30cce

 

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Un chat que j’ai apprivoisé (Mazurka)

Dans leur dernier album, intitulé Bulle, le Trio Loubelya donne une interprétation fraîche, rajeunie et réarrangée, d’une chanson de Camille Couteau « Un chat que j’ai apprivoisé », qui l’empruntait lui-même à Chico Buarque. Ce dernier ne l’avait pas plus créée mais avait mis ses mots sur l’air composé en 1947 par le célèbre accordéoniste brésilien Sivuca (Severino Dias de Oliveira) : « João e Maria ».
Dans l’enregistrement ci-dessous l’accordéon chromatique de Sivuca est porté, en toute simplicité, par un orchestre symphonique.

S’il n’y a aucun rapport entre les paroles de la bossa brésilienne « João e Maria » et de la mazurka de Loubelya, « Un chat que j’ai apprivoisé », le chaloupé et la douceur de cette mélodie résistent au temps. Quant aux arrangements du Trio ils lui donnent un caractère jazzy tout neuf, et un petit air Jacques Demy bien marqué.

Le trio Loubelya avec Marie Constant à l’accordéon diatonique, Rolland Martinez à la contrebasse et à la clarinette et Florent Lalet aux saxophones. En invité sur ce morceau Camille Passeri (Chaton) au Bugle.
En duo vocal, (la diatoniste) Lolita Delmonteil-Ayral et (le saxophoniste) Florent Lalet.
En cliquant sur l’image.


La partition pour accordéon chromatique ici sur le site arrigotomasi.com. 
et une autre partition là: studiosol.
Un arrangement pour violon se trouve à l’adresse kupdf.net.
On peut aussi voir et entendre jouer la partition de Chico Buarque et Sivuca sur musescore.

Nous on veut danser encore ! Flashmob à la gare du Nord

La mobilisation-éclair qui fait tâche d’huile en cette fin d’hiver.
Chanson et musique de HK et les Saltimbanks.
Paroles à retrouver sur le site paroles.net.
Une partition pour orchestre est visible sur musescore. Comprend : flûte traversière, clarinette en Si♭, saxophones (soprane, alto et ténor), trompette en Si♭, trombone, euphonium, tuba en Si♭, caisse claire, guitare acoustique. Mais pas l’accordéon…

Sur le site de HK, la chanson est en téléchargement gratuit mp3.



 

Sakkijarven Polka – Finlande (Polka)

Le temps neigeux s’y prête ! Un petit tour en Finlande, pour découvrir un air folklorique, la  Sakkijarven Polka ou «polka carélio-finlandaise» ou encore polka de Säkkijärvi. Un air pour accordéon chromatique d’une folle virtuosité et qui a une histoire étonnante.

Lors de la guerre de continuation finno-soviétique, les russes avaient quitté le terrain de Vybord en laissant derrière eux des mines à déclenchement par ondes radio à une certaine fréquence (en fait avec une certaine triade). Pour empêcher ces explosions, de retour sur ces terres, les finlandais usèrent d’un stratagème « musical » en brouillant les émissions radio grâce à la diffusion ininterrompue de leur air populaire Sakkijarven Polka dans la version du finnois Viljo Vesterinen (cf. photo) enregistrée en 1939 (écoutez cet enregistrement).
Cette histoire permet de comprendre pourquoi cet air illustre tant d’archives de la guerre de Carélie.

Extrêmement populaire, cette polka a fait naître un nombre impressionnant de versions. La sélection que j’ai opérée va du trad le plus respectueux (Ortens Patrask), aux arrangements les plus brillants (Nick Ariondo) en passant par l’interprétation la plus déjantée, celle du groupe finlandais Leningrad Cowboys, ci-dessous.

  • Adaptation punk-rock dans le film Leningrad Cowboys Go America d’Aki Kaurismäki (1989).

  • Version typique trad plus récente, et toujours finlandaise (enregistrement réalisé dans une ancienne hutte de charbon de bois de Morjärv en août 2010):

  • Ici la polka arrangée par le virtuose et très sérieux américain Nick Ariondo.

 

Ethno-musicographie en Pologne

Cold War est un film polonais en noir et blanc de Pawel Pawlikowski de 2018 (prix de la mise en scène, Festival de Cannes). Outre l’histoire d’un amour tragique à l’époque de la guerre froide (Pologne 1949), c’est un beau parcours musical que l’on découvre.
Au générique les protagonistes sillonnent la campagne polonaise en collectant des musiques, chants et danses folkloriques. 4 mn de prises directes de sons auprès de ce qui semble être d’authentiques musiciens populaires. Témoignages émouvants.
Voir la page sur Arte TV.
Lire le site officiel Diaphana.
Ces collectages ne sont pas sans rappeler ceux de Nicolas Bouvier et de son compagnon graveur Thierry Vernet dans leur périple de juin 1953 à décembre 54 de Suisse à l’Afghanistan, équipés de leur matériel d’enregistrement (L’Usage du Monde, 1963.) Beaucoup de descriptions de scènes y font penser.

Par ordre d’entrée, la duda* (cornemuse typique de Pologne avec le soufflet sous le bras droit), un violon, un ancêtre de l’harmonium (une sorte d’accordéon-piano à pédales dont « les soufflets sont maniés par des pédales et un mécanisme de chaîne » cf. wiki physharmonica. ici à droite), et plus classiquement un tambourin accompagné d’un harmonica.

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*duda: consulter les sites musicologie.org et  The Universe of Bagpipes.


 


 

Delicq, compositeur de musique de film…

En 2005, Nadine Buss réalise un docu-fiction d’animation, À l’époque…, dont la bande originale est signée Stéphane Delicq.
Il a pour sujet l’arrivée en France à Paris en 1946 d’un jeune allemand réfugié avec sa famille, de sa découverte des autres enfants et surtout du monde interlope de son quartier du 2e arrondissement.
Dans ce court film (9 mn), on reconnaîtra bien le style de Delicq et sans doute quelques amorces de pièces connues.

Production Strapontin

La Discrète (Mazurka)

La Discrète, de Stéphane Delicq, est le titre d’un de ses albums de 2001 – il y a exactement 20 ans – auquel on peut attribuer les qualificatifs tout à la fois d’élégance, désinvolture, contemplativité, comme il se dit sur internet. Ce titre correspond bien à une musique qu’on pourrait nommer de l’intime et de l’évasion.

« La musique de Stéphane DELICQ exalte à elle seule tout ce qu’un air à danser peut exprimer, réunir. Elle invite à s’évader du réel, à laisser la mélodie et son mouvement construire un « ailleurs », que chacun feuillette comme il l’entend. » Février 2010
Pierre Corbefin, directeur du Conservatoire Occitan, Toulouse (source: blog accordéon-nous).

La Discrète, de l’album éponyme, est une de ses mazurkas éternelles dont il avait le secret. Secret d’une grande connaissance de la musique classique, que des mesures rappellent parfois, comme les quelques notes finales en écho peut-être au passage très luisant… de la première Gnossienne d’Erik Satie... (cf. en bas de l’article).

La Discrète, enregistrement de Stéphane Delicq (et partition).


Erik Satie, Gnossienne n°1, par Alexandre Tharaud (et partition)

 

 

Valse d’A Stacada d’Brelh (Valse)

A Stacada d’Brelh ou L’Estacada de Brei (L’attaché de Brelh) est un « jeu » dansé dans le comté de Nice lors de la reconstitution folklorique tous les 4 ans de la révolte des gens de Brelh-de-Ròia (Alpes-Maritimes) au XVIIe s. contre les abus de pouvoir du bailli du lieu. (Cf. le site Musique traditionnelle du comté niçois.) A Stacada compose un ensemble de musiques et danses parmi lesquelles des valses. La valse connue et graphiée indifféremment « La Stacatta di brelh », « stacada », « di brei », « de brelh », serait la valse du Couré ou la valse de la Première Abesse (dont aucune partition ne figure sur l’internet).

Le nom de cette valse échappant à la recherche, c’est seulement dans le n°21 de « Paroles d’Anches » (sur le site CADB) que l’on peut enfin trouver la tablature transcrite par A-M Moyon (page 4). C’est l’air le plus célèbre.

Ci-dessous, une interprétation qui atteint des… sommets avec le fifre traditionnel  (!) et revivifie cette valse endormie. Monte Scaletta (2840 m, valle Maira), 2015. Notons que le fifre n’est pas le clarin !

PS : Les terribles crues des Alpes Maritimes ont dévasté le 2 octobre 2020 plusieurs villages du haut-pays niçois dont celui de Breil-sur-Roya. Peu auront envie de jouer et danser après ce sinistre événement. A moins de vouloir défier le mauvais sort.